Né à Varsovie en 1912, Chaïm Perelman émigre en Belgique en 1925, dont il acquerra la nationalité en 1936. Après des études secondaires où la rhétorique était encore une matière d’enseignement, il s’inscrit à l’Université Libre de Bruxelles. Son cursus sera sanctionné par deux titres de docteur, en droit et en philosophie, respectivement en 1934 et 1938. Ses premières publications, précoces, témoignent de l’importance de son ancrage à l’Université Libre de Bruxelles. Il s’affirme ainsi, dès les années 1930, redevable à ses « maîtres », Eugène Dupréel en première ligne, mais aussi Marcel Barzin (« De l’arbitraire dans la connaissance », Archives de la société belge de philosophie, fasc. 3, 1933, p. 10-11). Ce dernier fut le promoteur de sa thèse de doctorat de philosophie, intitulée Étude sur Frege (1938).
Contraint d’abandonner ses charges d’enseignement en 1940, Chaïm Perelman s’engage, avec son épouse Fela Perelman, dans la « résistance civile ». Ils s’engagèrent dans le « Comité de défense des Juifs » formé lors d’une réunion qui se tint à leur domicile, rue de la Pêcherie. Ce mouvement de résistance contribua à sauver des milliers d’enfants juifs (Lucien Steinberg, Le Comité de défense des juifs en Belgique, Ed. de l’Université de Bruxelles, 1973).
Le retour aux activités scientifiques est marqué par la parution, en 1945, d’une longue étude intitulée « De la justice » (rééd. : Justice et raison, Presses Universitaires de Bruxelles, 1963). Il s’agit d’un travail déterminant, qui sera remis sur le métier en 1966 dans « Cinq leçons sur la justice » (rééd. : Droit, morale et philosophie, L.G.D.J., 1968). Nous y trouvons une sorte de manifeste attestant d’un fil directeur à son entreprise philosophique :
« Il y a exactement vingt ans que j’ai terminé la rédaction de ma première étude sur la justice. Mais au lieu de considérer ma tâche comme finie, et de me tourner vers d’autres travaux, je n’ai cessé de réfléchir à cette notion. »
L’importance du paradigme juridique dans l’œuvre de Perelman ne doit pourtant pas occulter son investissement dans une communauté scientifique excédant les limites de la philosophie du droit. Tout lecteur de la revue Dialectica (Revue Internationale de Philosophie des Sciences) connaît ainsi la rue de la Pêcherie, heureusement libérée des heures tragiques de la Seconde Guerre mondiale, pour être l’adresse à laquelle contacter l’auteur qui, de 1947 à 1964, s’investit sans relâche dans les débats épistémologiques qui entourent la constitution d’une « philosophie ouverte » (i.e. idonéiste) des connaissances. Ce dialogue avec Ferdinand Gonseth, notamment, nous rappelle l’importance déterminante, pour Perelman, du caractère situé et révisable de toute connaissance (« Philosophies premières et philosophie régressive », Dialectica, n° 11, 1949).