L’Humanité du 19 janvier 2008 publie ce compte-rendu de l’ouvrage
Responsabilité des entreprises et corégulation paru dans la collection Penser le droit.
Débat sur l’émergence d’un code de bonne conduite des entreprises :
Responsabilité des entreprises et corégulation
par Thomas Berns, Pierre-François Docquir, Benoît Frydman, Ludovic Hennebel, Grégory Lewkowicz, Éditions Bruylant, 2007, 230 pages, 45 euros.
La mondialisation accroît la puissance des entreprises et réduit les moyens d’action et de contrôle des États sur leur activité. C’est dans ce contexte qu’une « responsabilité sociale des entreprises » se manifeste. Il s’agit de l’affirmation volontaire par des entreprises d’une responsabilité en matière sociétale, de protection de l’environnement et de promotion des droits de l’homme. Elle laisse entendre que l’entreprise n’aurait pas pour seule vocation de réaliser des profits : elle devrait également assumer des devoirs à l’égard de la société.
Évidemment, une telle évolution soulève de nombreuses interrogations, auxquelles se sont attachés les auteurs de ce livre ardu, mais stimulant. Cette « responsabilité sociale des entreprises » est-elle un simple paravent dissimulant les effets dévastateurs du capitalisme mondialisé ? Annonce-t-elle l’émergence d’une autre forme de régulation, moins étatique, moins contraignante, avec comme emblèmes la charte éthique ou le code de bonne conduite, certaines normes ISO, ou encore certains labels commerciaux ou financiers ? Faut-il reconnaître aux entreprises une responsabilité qui dépasse les relations de travail et touche à des questions plus larges, comme l’environnement, et plus fondamentales, comme les droits de l’homme ? Et si oui, comment et par qui cette responsabilité peut-elle être mise en oeuvre ?
Les auteurs s’interrogent en particulier sur la portée des « instruments » de contrôle que ce mouvement génère, telles que les certifications et autres labellisations, mais aussi pression des marchés et la publicité. Ils posent également la question cruciale du rôle des pouvoirs publics et des juges dans ce processus. À ces questions difficiles, ce livre ne prétend pas apporter des réponses définitives. Mais il donne, par différents éclairages, des clefs pour comprendre le phénomène, dans ses dimensions morale, juridique et politique. Les auteurs soutiennent qu’au-delà du désordre actuel la « responsabilité sociale des entreprises » est une dynamique qui permet à différents acteurs de donner une force aux engagements souscrits, préfigurant l’émergence d’un droit global.
Jane Duhem, « Débat sur l’émergence d’un code de bonne conduite des entreprises. Responsabilité des entreprises et corégulation », L’Humanité, 19 janvier 2008