Sarah Ganty, Emmanuelle Bribosia et Isabelle Rorive ont publié une contribution intitulée « Interdiction de la discrimination fondée sur la situation socio-économique en droit européen : rendre visibles les personnes socio-économiquement défavorisées » dans les Cahiers de droit européen (2022, p. 145-195).
Abstract
Il est largement admis que les victimes de discrimination fondée sur des critères traditionnels tels que le sexe, la race, la religion, etc. sont surreprésentées parmi les populations pauvres et avec un faible niveau d’éducation . Les personnes vivant dans la pauvreté sont également discriminées en raison de leur situation socio-économique et des stéréotypes, des préjugés et de la stigmatisation dont elles sont l’objet. Si de nombreuses clauses anti-discrimination nationales, européennes et internationales interdisent, à tout le moins implicitement, la discrimination fondée sur la situation socio-économique d’une personne, elles s’avèrent rarement utilisées dans la pratique. Il existe peu de jurisprudence à ce sujet aux niveaux national, européen et international. Une telle situation est surprenante, notamment dans le contexte de la crise financière post-2008 et plus récemment de la crise sanitaire et économique liée à la Covid-19, et au regard des nombreux traitements défavorables dont font l’objet certaines personnes parce qu’elles sont sans emploi, pauvres, sans-abri ou ont un faible niveau d’éducation. Adoptant une approche intégrée des droits humains, le présent article soutient que l’interdiction de la discrimination fondée sur la situation socio-économique est un outil juridique dont le potentiel est sous-utilisé et qui présente une triple valeur ajoutée pour la protection des personnes socio-économiquement défavorisées. Premièrement, cet outil apporte un complément indispensable dans la lutte contre les problèmes de privation matérielle. Deuxièmement, il constitue le moyen privilégié pour s’attaquer aux questions de reconnaissance, en raison notamment du rôle déterminant de ce critère afin de combattre les stéréotypes, les préjugés et la stigmatisation des personnes pauvres et avec un faible niveau d’éducation. Troisièmement, il est indispensable pour appréhender les discriminations multiples dans lesquelles la situation socio-économique joue un rôle important.