Le débat autour des guerres dites “nouvelles” a fait couler beaucoup d’encre ces dernières années. La littérature sur la question, émanant de politologues, d’historiens ou encore de stratèges, est considérable. En dépit de ses nombreuses imprécisions, la notion gagne aujourd’hui également du terrain dans le monde juridique. Elle conduit même une frange de la doctrine à douter du caractère adapté du cadre normatif international existant et de son efficacité eu égard notamment au principe de distinction entre combattants et non-combattants, principe cardinal, s’il en est, du droit international humanitaire.
Dans cette étude, l’auteur analyse la question des « nouvelles guerres » d’un point de vue à la fois historique et théorique en s’appuyant sur l’hypothèse d’une relation forte entre configurations conflictuelles et modes de régulation des conflits. Dans un premier temps, il met en évidence que les caractéristiques spécifiques des « nouvelles guerres » ne sont en fait pas fondamentalement différentes de celles des conflits pré-modernes. Partant, l’auteur réalise, dans un deuxième temps, une comparaison systématique entre certains instruments de régulation des conflits armés propres à l’époque pré-moderne et les nouveaux instruments de régulation, en particulier les codes de conduites, mis en œuvre dans le cadre des guerres dites nouvelles. Cette comparaison conduit à reconnaître que ces nouveaux instruments de régulation empruntent largement, du point de vue de leur forme et du type de normativité dont ils procèdent, aux modes pré-modernes de régulation des conflits. La reconnaissance de la spécificité de l’efficace de ces instruments constitue aussi, à ce titre, un préalable nécessaire à une compréhension adaptée de l’évolution normative du droit des conflits armés.
Fort de cette comparaison, l’auteur s’interroge enfin sur les rapports entre les « nouveaux » instruments de régulation et le droit international humanitaire qui avait, durant la modernité, réussi à se défaire des instruments pré-modernes de régulation des conflits. Il identifie trois types de rapports mutuels. Premièrement, le droit international humanitaire peut être relayé par ces instruments. En ce sens, ceux-ci viendraient renforcer le contenu normatif du droit existant en servant de vecteurs aux normes actuelles. Deuxièmement, ce droit peut-être suppléer par ces nouveaux instruments lesquels viendraient alors spécifier de manière contextuelle la règle de droit ou combler, le cas échéant, certaines lacunes du droit contemporain. Enfin, le droit international humanitaire peut se voir supplanter par ces nouveaux instruments de régulation lesquels affaibliraient ainsi le cadre normatif existant et contribueraient à l’émergence de régimes spécifiques, autonomes et, sans doute, dérogatoires. Exprimée sous la forme d’une alternative dramatique, la question posée par les nouvelles guerres et les instruments de régulation qui les accompagnent est ainsi de savoir si nous assistons actuellement à un retour au droit des gens ou au dépassement, même partiel, du droit international humanitaire prenant la forme d’une nouvelle lex armorum.
Accédez également à cet article par le Social Science Research Network